Terrorisme : Hollande demande un droit d’asile pour le patrimoine de l’humanité
Mardi 17 novembre, François Hollande présentait à l’Unesco les propositions de la France pour protéger le patrimoine de l’humanité et couper cette source de financement du terrorisme.
Le président de la République s’appuie sur le rapport remis par Jean-Luc Martinez, directeur du Louvre.
« La culture, voilà pourquoi la France se bat aujourd’hui ». Le discours de François Hollande, fondé sur le rapport remis par Jean-Luc Martinez, directeur du musée du Louvre, résonne dans l’enceinte de l’Unesco trois jours seulement après les attentats du vendredi 13 novembre à Paris.
La barbarie qui martyrise les corps s’attaque aussi à la mémoire et à l’âme des nations, quand elle vandalise, pille, détruit leurs biens culturels. Comme le rappelait déjà l’auteur du rapport, « l’un des plus grands désastres humanitaires de notre époque » qui se joue au Moyen-Orient, s’accompagne d’un « nettoyage culturel sans précédent dans l’histoire récente ». Mardi 17 novembre, le chef de l’État a fait sienne ces propositions pour défendre le patrimoine commun de l’humanité et couper cette source de financement du terrorisme.
15 à 20 % des ressources de Daech
L’enjeu est en effet de taille. Le trafic des biens culturels à l’échelle mondiale se hisse aujourd’hui au troisième ou quatrième rang des commerces illicites dans le monde, après les armes et la drogue. Même si les instruments de mesure et les chiffres sur ces mouvements sont par définition indisponibles, certains estiment que le seul trafic d’antiquités pourrait brasser de 6 à 15 milliards d’euros par an.
En ce qui concerne l’Irak et la Syrie, certaines estimations en font 15 à 20 % des ressources de Daech, juste après les recettes pétrolières. Si, encore une fois, toutes ces données chiffrées sont à utiliser avec prudence, une certitude s’impose: les principaux sites de ces deux pays font l’objet d’un nombre incalculable de fouilles sauvages.
Des refuges pour les œuvres
Face à cette urgence, « la préservation du patrimoine de l’humanité », François Hollande a mis en avant plusieurs priorités impliquant une mobilisation de la France, de l’Union européenne, et de la communauté internationale. Renforcer le contrôle douanier sur les importations de biens culturels et sanctionner le commerce de ceux qui ont quitté illicitement un état. Éviter surtout que ces œuvres ne tombent dans les mains des terroristes en créant en France des « refuges » pour recevoir en dépôt celles qui se trouvent en grave danger, et appliquer ainsi le droit d’asile au patrimoine culturel comme aux personnes.
La création d’un comité interministériel rattaché au premier ministre sur le modèle de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, celle d’un Fonds international de dotation, publique et privée – afin de renforcer l’efficacité des efforts financiers pour l’instant trop dispersés –, ou encore la constitution de listes noires des « paradis du recel », comme il en existe pour les paradis fiscaux, complètent l’arsenal proposé par la France pour mener cette bataille.
Sauvegarder la mémoire de l’humanité
Conserver la mémoire des sites est tout aussi crucial, pour les protéger, les faire connaître et construire leur avenir. Les développements technologiques, comme la numérisation 3D, nous offrent la possibilité de décider de reconstruire, ou pas, les sites endommagés ou détruits.
Accueillir des archéologues irakiens ou syriens dans les établissements culturels ou de recherche français, ou encore les doctorants de ces pays en guerre dans les universités françaises, permettra de constituer une « équipe de réserve » qui pourra contribuer à la renaissance du patrimoine attaqué, lorsque les conditions seront à nouveau réunies. Sur une proposition de la ministre de la culture, une plate-forme collaborative européenne pourrait collecter toutes les données numérisées des sites menacés ou en cours de destruction, notamment en Irak et en Syrie.
Soixante-dix ans après la fondation de l’Unesco, trois jours après les attentats à Paris, François Hollande rappelle au monde « l’invincible humanité de la culture ».
Source :la-croix.com/ Béatrice Bouniol / 18/11/15 – 15 H 18